C'est bien

18 décembre 2010

Recueil de nouvelles... Habituellement je n'aime pas spécialement ce genre de livre, mais là il faut avouer que c'est plutôt mignon et que ça se lit bien !

De qui est-ce ? Philippe Delerm
Quelle édition ? Milan

Ça ressemble à quoi ? recueil de 84 pages de vingt nouvelles sur la vie quotidienne.

Pour quel niveau ? Niveau cycle 3, ce livre est d'ailleurs sur les listes officielles de l'éducation nationale. Les textes sont courts (forcément, étant donné que ce sont des nouvelles) et simples car racontés du point de vue d'un enfant.

De quoi est-ce que ça parle ?

Chaque nouvelle raconte une petite anecdote, un petit plaisir de la vie quotidienne d'un enfant : C'est bien l'autoroute la nuit ; c'est bien d'être abonné à un journal ; c'est bien de se lever le premier dans la maison ; c'est bien de lire un livre qui fait peur ; c'est bien d'acheter des bonbons chez la boulangère...

Quelles pistes pédagogiques ?

* Travail sur le genre littéraire : la nouvelle. A noter que c'est une façon d'amener les enfants qui "n'aiment pas" lire à la lecture, car chaque nouvelle peut être lue indépendamment et donc assez rapidement. En revanche, contrairement aux nouvelles "classiques", on n'a pas vraiment de chute. C'est plus une petite histoire, une anecdote à chaque fois qui se termine comme elle a commencé.

* Ces nouvelles offrent une grande proximité avec le lecteur, même si certaines commencent à vieillir un peu. Elles sont très réalistes, le texte est accessible car écrit avec des mots d'enfant et du point de vue d'un enfant (c'est bien quand on vient d'annoncer une mauvaise note). On voit parfois le décalage entre les sentiments de l'enfant et ceux des adultes, c'est plutôt bien pensé et en tant qu'adulte on a l'impression de se retrouver dans un petit monde bien agréable.

* On peut travailler sur les sentiments, les émotions. On retrouve notamment la peur (c'est bien de lire un livre qui fait peur), la gêne (c'est bien la première fois qu'on joue au bowling), et bien-sûr le bonheur (c'est bien d'être abonné à un journal). C'est l'occasion d'enrichir les productions d'écrits

* On peut donc faire un travail d'écriture en proposant d'autres petits bonheurs de la vie quotidienne. Si chaque enfant écrit une nouvelle, pourquoi ne pas créer un recueil sur la classe ? Attention cependant à la difficulté à écrire comme l'auteur avec le pronom "on", les enfants utilisant plus spontanément le "je".

Fiches d'exploitation ICI (clic).
Autres fiches ICI (clic).
Exemples de production d'élèves de CM1 et textes de certaines nouvelles ICI (clic).

Des petits défauts ?

C'est à mon sens un livre assez gentillet. Du vocabulaire vraiment trèèèèès simple (voir un peu familier "on s'en fiche"), des situations banales. C'est mignon, mais bon, de là à trouver ça passionnant, il ne faut pas exagérer. C'est plus le genre de petite lecture sympathique pour passer le temps qu'un livre transcendant sur lequel on a envie de baser un projet palpitant. A vouloir faire simple et accessible, on obtient quelque chose de léger à lire, mais peut-être un petit peu trop léger, justement. Disons que l'étude de deux ou trois nouvelles suffirait sans doute pour se changer les idées, mais l'ensemble peut lasser.

En conclusion ?

Un livre agréable à lire, présentant des pistes de travail assez variées et un côté "accessible" qui séduira sans doute les élèves qui répugnent à lire de longs romans.
A noter qu'il existe d'autres ouvrages du même auteur reprenant le même principe (c'est toujours bien et c'est encore bien)

Quelques pages ?

C'est bien de faire ses devoirs sur la table de la cuisine.

Pas tous les jours ; parfois on préfère être seul, dans sa chambre. Mais certains soirs d'hiver, par exemple, quand il fait déjà nuit dehors, juste après le goûter. Sur la toile cirée, on installe le désordre des cahiers, des crayons de couleur, des gommes et des bouquins. Les devoirs traînent un peu. On a commencé par le plus dur, le problème de maths, mais la troisième question est difficile. Avec un doigt, on suit le dessin de la toile cirée : il y a des carreaux rouges et à côté des petits carreaux bleus qui représentent des moulins de Hollande. Ce serait bien d'aller là-bas, très loin, au nord. On reviendrait de l'école en patins à glace.
- Dépêche-toi un peu ! Après, tu seras débarrassé, tu pourras lire, ou jouer.
Maman dit des petites phrases comme ça, de temps en temps, entre un navet et une carotte à éplucher - on lui a déjà mangé deux carottes crues et elle a fait semblant de se fâcher. Mais on n'a pas vraiment envie d'être débarrassé. Il fait si bon dans la cuisine, et puis il y a ces odeurs qui se mélangent : l'orange du goûter, les légumes de la soupe... Tant pis pour les maths. On y reviendra plus tard. On attaque la leçon d'histoire. Noblesse, clergé, tiers état. Les mots coulent bien. Sur le dessin, la Bastille n'est pas si terrible. Par contre, au Jeu de paume, tous les hommes noirs et gris ont des yeux farouches, et la scène est plutôt lugubre.
- Allons, tu dois la savoir, maintenant ! Je t'interroge.
- Attends encore un peu !
On s'en fiche, des états généraux. Ce qui est bien, c'est de rester sur l'image en rêvant vaguement à l'ambiance de cette époque-là. Pourquoi faut-il qu'on cuise les navets ? Pourquoi faut-il apprendre les révolutions ? On prend une gousse d'ail. La peau fripée mauve, rose et blanche tombe sur le livre, légère. On ne sait plus vraiment quelle heure il peut ëtre. Le dîner est encore loin. Dans la maison, il y a une agitation tranquille, des petites phrases sur la journée : -Tu as vu... ? On n'écoute pas vraiment ce que les parents disent. On n'apprend pas vraiment ses leçons. On se sent un peu flottant, comme si on n'existait plus, comme si on devenait la toile cirée, les légumes de la soupe, le livre d'histoire - comme si on devenait un soir d'hiver à la maison.
C'est bien, dans les cuisines.