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18 janvier 2012

Libres enfants de Summerhill

Un livre coup de coeur ! Non pas que je sois complètement pour les méthodes de Summerhill, mais c'est une lecture qui force à ouvrir les yeux et se remettre en question. Particulièrement instructif, à mettre entre toutes les mains des adultes qui se trouvent en contact avec les enfants pour les faire un peu réfléchir.

Qui est l'auteur ? A. S. Neill
Quelle édition ? La découverte/Poche essais

A quoi cela ressemble-t-il ?

J'ai l'ancienne édition, mais la nouvelle fait 463 pages découpées en chapitres variables mais souvent très courts (parfois une ou deux pages seulement)

9782707142160

Pour qui ?

Ceux qui vivent au contact des enfants et se demandent ce qui est le mieux pour ces derniers, ceux qui sont à la recherche d'autres méthodes que les punitions et la fessée, ceux qui, tout simplement, veulent découvrir une façon d'appréhender l'éducation et l'instruction différemment.

Mon avis ?

L'école de Summerhill a été fondée en 1921 par A.S. Neill, psychanalyste. L'originalité de cette école est qu'elle est autogérée et fondée sur le principe de liberté pour les enfants. Là-bas, aucun enfant n'est forcé d'apprendre quoi que ce soit, chacun organise ses journées comme il l'entend. L'adulte n'est pas là pour faire autorité mais pour accorder sa protection. Les "lois" de l'école sont décidées au cours d'une assemblée où chaque enfant a une voix à égalité avec les adultes. En somme, la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres, et c'est bien suffisant. Le grand mot qui revient tout au long du livre est "autonomie". Pour qu'un enfant soit élevé sainement, il faut qu'il soit élevé dans "l'autonomie". Attention, il ne faut pas entendre par là qu'il doit se débrouiller tout seul tout le temps et laisser les adultes en paix, mais que l'enfant doit pouvoir faire ses propres choix sans qu'on lui impose quoi que ce soit (si ce n'est pour sa sécurité). Neill s'oppose aux écoles "classiques" qui, selon lui, apprennent aux enfants à obéir aveuglément et en font des moutons dociles et malheureux, "anti-vie".

"Un enfant difficile est un enfant qui est malheureux. Il est en guerre contre lui-même et par contre-coup avec le monde entier... Tous les crimes, toutes les haines, toutes les guerres peuvent être ramenés au mal de l'âme. Je m'efforcerai dans cet ouvrage de montrer comment ce mal prend racine, comment il détruit des vies humaines et comment, par une éducation saine, on peut l'enrayer."

Neill prétend s'occuper avant tout des enfants "normaux", soit qui sont envoyés dans cette école car leurs parents souhaitent les élever dans l'autonomie, soit qui sont envoyés en dernier recours par des parents horrifiés de voir leur enfant paresseux, voleur, menteur ou pyromane... L'auteur cite de nombreux cas et explique brièvement comment il les a "guéri". C'est d'ailleurs tout l'intérêt de ce livre. Plutôt que d'avoir de longs blabla psychanalytiques, on a là une description de la vie quotidienne à Summerhill et des exemples concrets. Si je regrette parfois que ces exemples ne soient pas plus approfondis (forcément, on se demande quelle est la part de subjectivité dans ce que raconte Neill), c'est vraiment très vivant comme façon de présenter les choses et le livre se lit tout seul.

Bien sûr, le livre est tout de même à remettre dans son contexte. En 1921, les écoles (et les éducations) étaient plus strictes que maintenant. On voit donc Neill partir en croisade contre des thèmes qui actuellement ne posent normalement plus vraiment problème : les châtiments corporels à l'école (surtout en Angleterre), les habits du dimanche (qui empêchent les enfants de jouer en paix car ils ne doivent pas être salis !), la masturbation (le thème de la sexualité revient d'ailleurs très souvent, dont la façon de concevoir les bébés qui était à l'époque cachée aux enfants et qui selon Neill amenait de nombreux soucis psychologiques). Donc parfois quelques lignes paraissent démodées...

Enfin, il faut être réaliste : même si certains aspects de l'école et de l'éducation actuelle se sont améliorés, on est encore dans un système où l'adulte "domine" l'enfant. "Pour son bien", diront les gens, "parce que vous êtes anti-vie" dirait Neill. Il s'oppose entre autre au dictat de l'argent et aux parents qui élèvent leur enfant pour qu'il fasse de bonnes études et ait un bon métier. Sachant que les cours sont facultatifs à Summerhill, on peut se demander comment il arrive à former correctement ses élèves. (on a d'ailleurs le rapport complet des inspecteurs qui sont venus visiter l'école ainsi, qu'à la suite, l'analyse de l'auteur) C'est simple, si l'on ne force pas l'enfant à quoi que ce soit, il finit par avoir envie d'apprendre par lui-même. Plus tardivement, mais comme c'est un désir personnel et justifié, il apprendra plus facilement. Il donne de nombreux exemples d'enfants qui ont choisi de passer des diplômes supérieurs et s'en sont tiré honorablement parce que c'était un choix personnel et motivé par le souhait d'exercer un métier donné. Apparemment tous ses anciens élèves ont trouvé leur voie et sont heureux. Il cite également quelques cas qu'il n'a pu aider, en règle générale parce que ces enfants étaient arrivés trop tard (14 ans...) dans son école et ne pouvaient plus supporter de se plier à quoi que ce soit si on leur laissait leur liberté. Alors qu'à l'inverse, des enfants libres finissaient par se donner eux-même leurs buts et les atteignaient. Quand on voit qu'à l'heure actuelle la plupart des écoles françaises donnent des bulletins de notes aux petits de 3 ans, voir que certains enseignants se plaignent que leurs élèves du même âge "veulent toujours jouer et ne sont pas encore entrés dans les apprentissages"... il y a de quoi rester songeur.

Mais attention, qui dit "autonomie" ne dit pas "les enfants font ce qu'ils veulent, tout et n'importe quoi". Neill raconte d'ailleurs être horrifié quand des parents lui amènent leur enfant, tout fier, et le laissent grimper sur les meubles en prétendant qu'il est autonome. Non : la liberté s'arrête là où commence celle des autres. L'exemple le plus parlant est peut-être lorsqu'il explique que, certes, il a le droit d'exiger que sa fille (car Neill a sa propre fille, élevée selon ses principes et dirige l'école avec sa femme) sorte de son bureau, mais que sa fille, de son côté, à le droit d'exiger que son père sorte de sa chambre si elle le désire. En somme, enfants et adultes sont égaux dans la vie quotidienne.

Cependant, à mon sens, même en admettant que l'on soit d'accord avec le principe, le système est à mon sens discutable : les lois sont décidées lors d'une assemblée hebdomadaire, chaque membre de Summerhill ayant une voix. Seulement, j'ai eu l'impression en lisant ces lignes que finalement, les enfants plus âgés prenaient le pas sur les autres (on peut supposer qu'ils parlent mieux que les tout petits et savent argumenter, voir manipuler). Ainsi donc, certes, les petits n'obéissent pas directement aux adultes (les adultes étant moins nombreux que les enfants, ils ont moins de voix) mais se retrouvent à obéir à leurs aînés, en un sens. Et franchement, un enfant de 5 ans a-t-il plus d'intérêt à obéir à un adolescent de 15 ans qu'à un adulte plus mûr et ayant de l'expérience ? J'en doute un peu. A cela, Neill, répondrait sans doute par cet extrait :

Il se peut que la plus grande découverte que nous ayons faite à Summerhill, c'est qu'un enfant naît sincère. Nous avons décidé de laisser les enfants tranquilles afin de découvrir leur véritable nature.

Bref, je pense que pour juger ces méthodes, il faut les vivre au jour le jour. A partir du moment où les exemples donnés sont de la main même du directeur de l'école, il est difficile de savoir quelle est la part de réalité dans tout ça. Ce qui est certain c'est que, si tout est vrai, alors il y a urgence pour repenser nos écoles actuelle et notre éducation !

En conclusion ?

A lire absolument si l'on enseigne, que l'on approuve ou rejette ces méthodes. Une vision différente de l'école qui force à se remettre en question et bouscule ce qui paraissait être jusqu'à présent des évidences. Je découvre en terminant ce billet qu'apparemment, cette école existe toujours... ici (clic) J'irai bien voir ce qu'il en est ! :)

Quelques extraits ?

" Le rôle de l'enfant, c'est de vivre sa vie propre - et non celle qu'envisagent ses parents anxieux, ni celle que proposent les éducateurs comme la meilleure.
Le savoir en soi n'est pas aussi important que la personnalité ou le caractère.
Je préférerais voir sortir de nos écoles d'heureux balayeurs de rues que des savants névrosés.
Les parents sont lents à comprendre que l'enseignement donné à l'école n'a vraiment aucune importance. Les enfants, comme les adultes, n'apprennent que ce qu'ils veulent.
La majeure partie du travail de classe effectué par les adolescents n'est qu'une perte de temps, d'énergie et de patience... On leur a appris à savoir mais on ne leur a pas permis de ressentir.
Les laboratoires et les ateliers rutilants n'aideront pas John, Pierre ou Ivan à surmonter les troubles émotifs et les maux sociaux entretenus par la pression qu'exercent sur eux leurs parents et leurs maîtres, aussi bien que la pression coercitive de notre civilisation. "

" Nous accorderions aux élèves la liberté d'expression. Pour cela il nous fallait renoncer à toute discipline, toute direction, toute suggestion, toute morale préconçue, toute instruction religieuse quelle qu'elle soit.
C'est cette distinction entre la liberté et l'anarchie que beaucoup de parents ne saisissent pas. Dans le foyer discipliné, les enfants n'ont aucun droit. Dans le foyer désordonné, ils les ont tous. Le foyer équilibré est celui où les enfants et les adultes ont des droits égaux...
Si un bébé veut marcher à quatre pattes sur la table de la salle à manger, vous devez l'en empêcher. Il doit vous obéir, c'est vrai, mais d'autre part, vous devez vous aussi lui obéir quand c'est nécessaire. Je sors de la chambre des petits quand ils m'en donnent l'ordre.
Que feriez-vous si un garçon se mettait à enfoncer des clous dans votre piano à queue ? Ce que vous faites à l'enfant n'a pas d'importance, c'est la façon dont vous le faites qui en a. Ce n'est pas grave de faire déguerpir l'enfant d'auprès du piano tant que vous ne lui donnez pas mauvaise conscience parce qu'il a enfoncé des clous. Il n'y a pas de mal à insister sur vos droits individuels tant que vous ne portez pas un jugement moral impliquant l'idée du bien et du mal. Ce sont les mots comme vilain, mauvais, sale qui font mal. "

 coup de coeur

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Commentaires
A
Je pense qu'en effet, ce qu'il appelle "donner mauvaise conscience" c'est humilier l'enfant, pas le fait de lui donner des explications.<br /> <br /> <br /> <br /> En fait, quand on lit le livre, la situation parait différente. Ce que j'en ai retenu c'est que, selon lui, un enfant "sain" élevé selon ses principes n'aura de toute façon pas envie d’abîmer son piano parce qu'il aura mieux à faire. Si on suit toujours sa logique, c'est un enfant "mal élevé" qui abîmera le piano et donc la réaction à avoir est de le faire déguerpir mais sans l'humilier ; je pense qu'il part du principe qu'à ce stade, la leçon de morale n'aura pas d'impact (après il faut lire le livre pour comprendre le pourquoi du comment, il y a des choses assez intéressantes sur la psychologie des enfants).<br /> <br /> <br /> <br /> En tout cas, l'exemple du piano revient plusieurs fois, je pense que c'est plus parlant en lisant l'ensemble que dans un extrait. (et puis c'est aussi à replacer dans le contexte de l'époque où souvent les enfants devaient obéir sans poser de question, ce que l'auteur déplore)
S
Jusqu'à la fin, j'ai cru que je comprenais le principe...<br /> <br /> Mais...<br /> <br /> <br /> <br /> On a le droit de faire déguerpir le gosse qui abîme le piano mais pas de lui donner mauvaise conscience ? Autrement dit il faut l'éloigner de l'objet susceptible d'être abîme plutôt que lui expliquer qu'il ne doit pas le faire et pourquoi ? Ou alors, ce qu'il appelle "donner mauvaise conscience" c'est dire "tu es vilain" et pas "tu te rends compte de ce que tu as fait ?"
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