Orgueil et préjugés
Soyons honnête : on me l'a offert. Sinon, avec un titre pareil et un résumé qui dit "une situation de départ fort simple : deux sœurs ravissantes attirent deux riches célibataires." - Ça pour être simple, c'est simple - je n'aurais jamais ouvert un livre pareil. Mais bon, d'une part je me devais de le lire pour au moins dire ce que j'en avais pensé à mon amie bien intentionnée ; d'autre part, ce livre reste un classique et ça ne fait jamais de mal de s'ouvrir un peu l'esprit.
Qui écrit des tartines ? Jane Austen
Quelle collection ? Pour ma part, j'ai eu droit au joli coffret "Folio cinema" qui comprend le livre et le film.
Ça ressemble à quoi ? un peu plus de 400 pages très fines. Le roman est divisé en trois volumes eux-même découpés en chapitres assez courts.
Pour qui ?
Pour ceux qui aiment les récits du genre "vie quotidienne d'époque" avec des petites fleurs et tout plein de bons - et de mauvais - sentiments. Bref, pour ceux qui préfèrent s'interroger sur les états d'âme des personnages plutôt que courir après l'artefact magique qui doit sauver le monde.
De quoi est-ce que ça parle ?
Nous sommes dans la campagne profonde, en Angleterre, à la fin du XVIIIème siècle. Déjà, rien qu'en commençant ainsi, on se doute que ça ne doit pas rigoler tous les jours, chez les Bennet, membres de la bonne société provinciale, mais sans beaucoup d'argent. Une fois qu'on a accepté de mettre les pieds dans la boue, nous voilà partis pour suivre les filles de la famille qui ont pour seul et unique objectif de se marier à un bon parti. Oulala, que de rebondissements en perspective ! Forcément, on a droit aux clichés : les filles fofolles, celle trop sage et enfin, notre héroïne, Elizabeth, qui est certes bien élevée mais quand même un peu rebelle. (voyez un peu, elle ose sortir marcher sous la pluie pour prendre des nouvelles de sa sœur malade. Si ce n'est pas du délire ! J'en frémis encore.)
Qui dit situation de départ trépidante, dit élément déclencheur on ne peut plus extravaguant : deux riches célibataires, Darcy et Bingley, viennent s'installer dans la région. Que de rebondissements en perspective ! S'ensuit donc 400 pages durant lesquels notre couple de héros, Elizabeth et Darcy, se balancent les pires horreurs à la figure. On balance entre le "et ils se marieront" ou le "et l'auteur, voulant pousser le réalisme jusqu'au bout, les fit mourir vieux, pauvres et moches chacun de leur côté". Le suspense durera jusqu'au bout pour peu qu'on soit aussi inculte que moi et qu'on n'ait jamais pris le temps de se renseigner sur ce classique avant.
C'est intéressant de voir comme le but ultime des filles de l'époque est de se marier et comment elles y parviennent. Ca implique d'avoir un comportement irréprochable et des qualités à ne plus savoir qu'en faire (la liste donnée par ce cher monsieur Darcy est assez marquante !) mais aussi de savoir jeter son dévolu sur le seul gars célibataire de la région et de ne plus le lâcher jusqu'à ce qu'il propose le mariage. Un véritable sport que nos héroïnes pratiquent plus ou moins bien et qui les fait autant s'agiter que si la chasse au mari était remplacée par la chasse au sanglier.
Avec tout ça, vous vous dites sûrement que je vais conclure de façon bien négative ? Eh bien non, pas du tout ! (et ce n'est pas parce que je me suis découvert des instincts masochistes) Car ce livre présente deux aspects qui permettent de ne pas maudire Elizabeth et Darcy dès la fin du premier chapitre.
D'abord, il y a de l'humour. Bon, d'accord, ce n'est pas du Pratchett et on ne se roule pas par terre en se tenant les côtes, ça reste un classique anglais, ne l'oublions pas. Mais... les personnages ont le don de se lancer des piques ou de réagir de façon tellement odieuse que ça en devient comique. (l'épisode où la mère dit qu'elle apprécie l'amie de sa fille parce que l'amie en question est suffisamment laide pour ne pas faire d'ombre à son enfant...) L'auteur a une vision de cette société assez moqueuse, au final. Après, ça dépend comment on prend les remarques qui nous sont livrées sans ménagement. C'est le deuxième point qui donne de l'intérêt au livre : la façon dont sont énoncées de drôles d'évidences. Le premier chapitre commence ainsi : "Chacun se trouvera d'accord pour reconnaitre qu'un célibataire en possession d'une belle fortune doit éprouver le besoin de prendre femme." Euh... j'avoue être parfois restée un peu perplexe. Cette façon de mélanger sans cesse amour et argent participe pour beaucoup à l'intérêt du livre, on se demande parfois ce que les personnages ont vraiment derrière la tête et, surtout, cela dresse un portait de cette société assez ironique.
Le sujet est banal et pourtant l'auteur a essayé de se lancer dans un semblant d'intrigue en parallèle (avec le personnage de Wickham)... qui n'aboutit pas vraiment et est un peu noyée. Dommage, ça aurait pu ajouter un peu d'intérêt au livre et tenir en haleine vers la fin, moment où il y a quelques longueurs. Enfin, le but du livre n'est pas de verser dans le policier/aventure donc je peux comprendre que le tout soit finalement expédié.
Pour conclure ?
Un sujet assez neuneu à mon goût, mais qui est narré de façon suffisamment légère et avec assez de pointes d'humour pour qu'on arrive au bout du livre. Malgré quelques longueurs vers la fin du volume, ça se lit tout seul. Les personnages sont caricaturaux, mais cela n'empêche pas de s'y attacher (ou d'avoir envie de leur coller des baffes). Bref, une bonne surprise, un bon moment de lecture durant lequel l'auteur critique tout en finesse la société. L'ironie et l'hypocrisie des personnages vaut le détour !
Un petit extrait ?
La scène prend place lors d'un bal, au début du livre. Bingley propose à Darcy d'inviter Elizabeth à danser. Réaction de Darcy :
Se tournant un instant il examina Elizabeth, jusqu'à ce que, croisant son regard, il détourna le sien et dit froidement :
"Elle n'est pas mal, mais pas assez belle pour me tenter, et je ne suis pas d'humeur aujourd'hui à donner de l'importance aux jeunes filles qui ont été laissées pour compte. Tu ferais mieux de retourner auprès de ta cavalière pour te repaître de ses sourires, car tu perds ton temps avec moi."
M. Bingley suivit son conseil. M. Darcy s'éloigna et Elizabeth resta seule à nourrir à son égard des sentiments qui n'avaient rien de très cordial. Cela ne l'empêcha pas de raconter à ses amies ce qui s'était passé avec beaucoup de verve, car elle était dotée d'un esprit vif et malicieux qui se divertissait du ridicule sous toutes ses formes.
Et à propos du film ?
Autant le livre m'a plu, autant le film m'a déçue. Il ne retranscrit pas vraiment fidèlement le livre (au point d'en arriver à certaines incohérences dans les réactions des personnages, par exemple au moment où Elizabeth prétend que jamais elle n'épouserait Darcy). Je l'ai trouvé plutôt long... dommage.